Leibniz

3.6.1 Modéliser le changement technologique

Pour une fermière comme Angela, le changement technologique a lieu quand elle parvient à récolter plus de céréales pour la même quantité de travail. Mathématiquement, nous pouvons modéliser le changement technologique comme un changement dans les paramètres de la fonction de production.

Dans le texte, nous avons illustré le progrès technologique par la Figure 3.12, reproduite ci-dessous en tant que Figure 1. La fonction de production d’Angela se déplace vers le haut, parce qu’elle est capable de produire plus de céréales par heure de travail.

La fonction de production d’Angela se déplace vers le haut.

Figure 1 La fonction de production d’Angela se déplace vers le haut.

La fonction de production avec laquelle nous avons travaillé jusqu’à maintenant (notamment dans le Leibniz 3.1.2) est

Dans cet exemple, représente le nombre d’heures qu’Angela passe à travailler chaque jour à la ferme et sa production journalière de céréales. et sont deux paramètres qui décrivent la forme et la position spécifiques de sa fonction de production ; nous supposons que et . La première hypothèse signifie simplement que le travail a pour effet de créer des céréales, non pas d’en détruire. La deuxième hypothèse impose une productivité marginale du travail décroissante, de sorte que la fonction de production ait une forme concave.

Le progrès technologique consiste à pouvoir produire plus à partir de la même quantité de facteurs de production : la fonction de production lie alors une quantité de céréales plus élevée au même nombre d’heures de travail. Mathématiquement, il y a deux manières d’arriver à ce résultat avec la fonction de production d’Angela.

Si augmente, la production augmente aussi pour un nombre donné d’heures de travail. Ainsi une hausse de peut être interprétée comme un progrès technologique.

Si augmente, la production diminue si et augmente si . Si nous interprétons l’unité de mesure de littéralement comme étant une heure, alors paraît être le cas normal. Une hausse de peut donc aussi être interprétée comme un progrès technologique.

Les deux manières différentes de modéliser le progrès technologique sont illustrées dans les deux parties de la Figure 2. Dans la partie de gauche, une hausse de augmente par le même multiple pour chaque valeur de . Par exemple, si et que augmente de à , alors change de à , ce qui correspond à une augmentation de 100 % de la production pour un nombre donné d’heures de travail. Dans la partie de droite, une augmentation de , quand est maintenu constant, augmente pour tout : si, par exemple, , et que augmente de à , alors la production de céréales journalière d’Angela augmente de à unités, soit une augmentation d’un peu plus de 40 %.

Deux manières de déplacer la fonction de production.

Figure 2 Deux manières de déplacer la fonction de production.

Les deux parties de la Figure 2 montrent qu’augmenter et ont des effets similaires mais pas identiques. Le paramètre détermine la courbure de la fonction. Quand , comme nous l’avons supposé, elle est concave. Cependant si , c’est une droite et si , la courbe est convexe. Si est initialement inférieur à un, et augmente alors un peu, la courbe devient moins concave. L’explication économique est que si Angela augmente ses heures quotidiennes de travail, les rendements marginaux décroissants prennent effet moins rapidement qu’ils ne l’auraient fait avec la valeur plus petite de .

Ensuite, si continuait à augmenter, atteignant la valeur de puis la dépassant, les rendements décroissants cesseraient de caractériser la fonction. Cela suggère que modéliser le progrès technologique par une augmentation de est problématique pour une raison plus profonde que celle mentionnée ci-dessus sur ce qui arrive quand : la société humaine connaît un progrès technologique depuis plusieurs siècles maintenant, et pourtant nous sommes toujours confrontés aux rendements décroissants de notre travail. Supposer que le changement technologique puisse nous libérer de la concavité de la fonction de production n’est simplement pas très plausible.

Le problème est évité lorsque l’on modélise le progrès technologique comme un changement de . Dans ce cas, augmente pour tout et la fonction de production reste concave : la propriété de la productivité marginale décroissante reste intacte. C’est pour cette raison que les économistes utilisent en général et pas pour modéliser le changement technologique.

Nous pouvons modéliser le changement technologique de la même manière pour toute fonction de production. Supposez que la fonction de production soit :

est une fonction croissante et concave prenant une valeur positive pour tout . Alors une augmentation du paramètre implique que la production augmente dans les mêmes proportions pour toute valeur de .

Dans ce cas général aussi, la propriété de la productivité marginale décroissante est préservée en cas de changement technologique. La productivité marginale du travail (PmT) est . Ainsi, si les heures de travaillent changent de à , le changement proportionnel de la PmT est :

qui ne dépend pas de . Ainsi quand augmente, il n’y a pas d’effet sur la baisse proportionnelle de la PmT causée par une augmentation du nombre d’heures.

Pour en savoir plus : Sections 4.3 et 7.3 de Malcolm Pemberton and Nicholas Rau. 2015. Mathematics for economists: An introductory textbook, 4th ed. Manchester: Manchester University Press.